mardi 9 août 2011

Séance DVD août (1)


Kaboom
de Gregg Araki


Gregg Araki réunit ici tout l'imagerie ado contemporaine, comme il avait su le faire dans les années 80-90 avec sa "teen trilogie": Rêves mystérieux, drogue, sexe débridé, couleurs flashouilles, dialogues drôles et décomplexés, complot machiavélique et méchants à l'aspect cauchemardesques. Un petit cocktail détonnant si on sait bien le mélanger dans le shaker adéquat. Et Araki serait un bon barman, sans aucun doute. Un bon cinéaste c'est une autre histoire, mais on ne peut nier le réel talent qu'il a à créer un univers cohérents avec toutes ces influences. Bien sûr, on pourrait lui reprocher de ne rien créer de lui même et de seulement s'inspirer de la culture pop-ado. Mais comme Richard Kelly, il sait plutôt bien s'y prendre, car il n'est pas dans la copie, mais plus dans le clin d'oeil. D'ailleurs, les "méchants", humains surmonté d'une énorme tête d'animal en peluche, ne sont pas sans rappeler le Lapin de Donnie Darko (ou les joueurs du manga Doubt), mais ne sont pas du tout "utilisés" de la même façon. C'est juste l'imagerie qui est similaire, pas le concept. Et c'est par cette imagerie que le film fonctionne, et grâce à ses dialogues amusant, servis par des acteurs au charisme indéniable. La mise en scène n'est peut-être pas au niveau des ambitions du film d'ailleurs, mais Araki s'en sort en créant des situations tantôt cocasses, tantôt intrigantes, tantôt angoissantes, recréant ainsi l'atmosphère type des films cultes adolescents, à la Scream. Mais Kaboom frôle tous ces éléments sans jamais les aborder frontalement, ce qui permet de ne pas tomber dans la redite, mais empêche par la même occasion de les sublimer. Du coup, le film semble avoir des difficultés à se hisser au niveau culte de ces prédécesseurs dans le genre, n'en ayant pas la même "force". Pourtant, les bonnes choses sont là, et le film se suit avec intérêt jusqu'à cette conclusion, tellement simpliste et assumée au second degré qu'on peut penser qu'Araki est parvenu à réaliser le film ado contemporain ultime. Et ce, par son rejet de la profondeur: tout est superficiel, des personnages aux couleurs, en passant par cette prédominance de l'imagerie teen qui place de film dans un idéal cosmétique et donc de futilité assumé. Cette fin nonchalante plante le clou de la superficialité, prônant ouvertement l'absence de finalité à tout ce qui à pu être mit en place tout le long du film.
En gros, c'est fun, le reste on s'en fout.


Les chèvres du pentagone
De Grant Heslov

Etrange film que voilà, que rien ne pourrait laisser penser qu'il s'agit là d'une histoire tirée de faits réels... Et pourtant... Comme quoi la réalité dépasse parfois la fiction!
L'histoire conte comment un journaliste (interprété par Ewan McGregor) prend connaissance un peu par hasard de l'existence d'une section de l'armée américaine visant à former des Super-soldats dotés de pouvoirs paranormaux. Le film débute d'ailleurs sur une scène mémorable où un gradé regarde fixement un mur, grandement concentré, se lève brusquement et s'élance, déterminé à le traverser. On devine comment celà se termine: avec un beau mal de crâne. En celà, cette introduction est exemplaire et donne le ton qui perdurera tout le long du métrage, à la fois absurde, sarcastique, où premier et second degrés s'entremêlent.
Au final, si l'ont excepte quelques scènes d'anthologie (Clooney qui tente de "déchirer les nuages avec le regard" tout en conduisant, par ex), et quelques idées bien poilantes (appeler ces super soldats des Jedis...), le film tourne un peu en rond et peine à trouver de véritables enjeux narratifs. On se croirait dans un trip délirant dont on ne sais jamais où celui-ci va nous conduire. D'ailleurs, tout se termine dans une scène complètement hallucinée d'une armée sous acide, assez ratée d'ailleurs (le réalisateur ne parvenant pas à transmettre la sensation de trip hallucinogène, filmant platement, on à du mal à y croire).
Néanmoins, ce qui fait tenir jusqu'au bout du visionnage c'est ce mélange flou entre fiction et réalité. Certaines scènes sont d'une absurdité qui défie l'entendement, et penser que ce délire complet a en fait une part de réalité plus grande qu'on n'oserai l'imaginer provoque un sentiment de fascination particulièrement attrayant. Etrange sensation que de regarder ce film, constamment balloté entre divers sentiments, plus contradictoires les uns que les autres. Une curiosité à regarder tellement celà parait incroyable, et pour le jeu d'acteur: Clooney y est merveilleux par sa volonté d'y croire et par le sentiment de détresse qu'il transmet subtilement, de diverses manières, tout le long du film.


Achille et la tortue
De Takeshi Kitano


Encore une comédie de Kitano, comme si depuis Doll's -film profondément mélancolique et dramatique- il avait besoin d'un long break de blagounettes pour sortir de la dépression. Il y avait bien Zatoïchi, mais souvenez-vous de cette fin, étrangement festive, qui avec le recul semblait annoncer cette volonté de revenir à quelque chose de plus enjoué.
Bien plus sage que Takeshi's, cet Achille et la tortue nous rappelle les Kitano à l'ancienne, à la mise en scène subtile, plus posé et plus théatral également dans sa construction avec ses enchainements de scènettes. D'ailleurs l'affiche du film nous présente Kitano et Hanako Higushi de telle sorte qu'on pourrait croire en une représentation théatrale, ou mieux celle d'un duo comique comme dans Kids return. Et c'est un peu ça. Le film enchaine les sketchs tous liés par un fil rouge : la quête de la réussite artistique de Machisu, qui vouera sa vie -et celle de son épouse- à sa passion dévorante. On est constamment entre la caricature du milieu artistique, le pathétique de cet artiste incapable d'atteindre ses propres ambitions, les scènes de créativité débridées plutôt loufoques, humour potache, humour noir, chronique familiale, le tout teinté d'un sentiment de tristesse retenu qui donne au film son caractère tout à fait Kitanien. Ou Kitanesque, si vous préférez. Ajoutons un travail plastique sur l'image particulièrement réussit, les cadrages, les couleurs sont à la fois beaux et poétiques. On obtient un vrai bon film, comme seul Kitano sait les faire. Ce n'est certes pas son plus grand film, loin de là, mais c'est avec plaisir que je retrouve ce réalisateur qui c'était un peu perdu, cherchant vainement à se renouveler, et qui parvient là à revenir à ses propres codes sans pour autant se répéter totalement. Une sorte de renaissance. Du coup, il faut que je matte Outrage, voir si cette renaissance est aussi palpable dans le domaine du film de yakusa...