mercredi 27 janvier 2016

Avis sur "En quoi la BD donne-t-elle à penser ?"

Le 25 janvier 2016, à l'occasion de la grande messe Angoumoisine, Arte diffusa sur son site internet une émission consacrée à la bande dessinée. Présentée par Raphaël Enthoven, on pouvait y voir un échange avec Tristan Garcia.



http://www.arte.tv/magazine/philosophie/fr/en-quoi-la-bd-donne-t-elle-penser-philosophie#.VqiZRnOhcBR.facebook

Bien que l'échange soit globalement intéressant, surtout pour des néophytes ne s'étant jamais réellement interrogés sur ce médium, quelques anicroches me font grincer des dents.

- Les deux comparses se posent devant une fresque de Giotto, relevant que bien qu'il y ai une continuité d'images, entrecoupées d'ellipses, on ne peut parler de bande dessinée. Ce qui est vrai dans son acception habituelle, mais rien n'interdit à une bande dessinée de recourir exclusivement à ce type de procédé très elliptique. De plus il existe un format typique de bande dessinées -souvent- en 3 cases : les comics strips. Donc rien, mais alors absolument rien n'interdit d'avoir une bande dessinée "découpée" comme la dite fresque.
Juste après, Enthoven explique que si on affiche les cases, ou même les pages, jusqu'à recouvrir un mur, ce n'est plus de la bande dessinée (sans vraiment plus d'explication), et à Tristan Garcia de venir renchérir derrière en affirmant qu'en effet celà "tue la bande dessinée". Ah bon. J'en reste coi, et attend des explications, qui ne tardent pas à venir :
Pour Tristan Garcia, celà tue la double articulation de la bande dessinée, qui n'existe QUE chez celle-ci et pas du tout dans le type de narration "religieuses" que sont les fresques ou autres triptiques, précise-t-il.
Cette double articulation on la retrouve avec ces petites images qui se succèdent pour former une grande image : la page (Je crois qu'on oublie encore que le comic strip existe depuis la naissance de la bande dessinée.), ainsi qu'avec ces pages se "recouvrent les unes les autres".

Stupéfait, ébahis, j'entend Raphaël Enthoven lâcher un "c'est ça !".

Pourtant, un comic strip est un tout, une succession de 3 cases, sans avoir "besoin" qu'une page en recouvre une autre pour qu'on dise "c'est de la bande dessinée". D'ailleurs, l'exemple même que prennent les deux comparses, à savoir une bande dessinée de Gaston Lagaffe, est la preuve du contraire de ce qu'ils avancent : une seule et unique page peut suffire à en faire une bande dessinée, pas besoin d'avoir cet notion de page qui vient recouvrir l'autre.
De plus, c'est nier totalement la bande dessinée sur internet, comme les blogs (http://bastienvives.blogspot.fr/) ou les expérimentations de Scott McCloud (http://www.scottmccloud.com/1-webcomics/zot/zot-06/zot-06.html).
Non, si la bande dessinée perd effectivement de son intérêt une fois affichée au mur, c'est parce qu'inconsciemment, nous associons cette représentation à une exposition picturale. Nous nous intéressons donc à l'aspect pictural pur, et oublions de lire (ou disons que nous sommes moins disposés à). Aussi, comme ils l'expliquent très bien eux-même plus tard, l'image (et encore plus la page) de bande dessinée est généralement moins propice à "capturer" le regard qu'une peinture ou une photographie, car de par sa nature elle doit être parcourue et cherche à accompagner ce regard, plutôt que de le garder 'prisonnier".

- Ensuite ils s'interrogent sur les raisons pour laquelle la Bande dessinée est encore et toujours considérée comme un art simpliste, "pour enfant". Je m'attendais a ce qu'on parle de l'historique éditorial du médium, de l'attachement anglo-saxon au terme "comic", et en france à celui "d'album" (terme dédié aux albums reliés pour la jeunesse)... Mais non.

Alors, oui, on nous parle bien de l’a-priori selon lequel étant un genre batard (entre l'art illustratif et l'art narratif), les intellectuels estimaient que la bande dessinée n'avait rien créé, qu'elle n'apportait rien de spécifique. D'où leur désintérêt. Il aurait été néanmoins intéressant d'apporter les arguments qui viennent contredire celà (ils sont légion), plutôt que cette conclusion abracadabrantesque qui enterine plutôt ce type d'apprioris. Je m'explique :

Pour conclure, figurez-vous que Tristan Garcia à une théorie, très personnelle, du pourquoi de l'apparition de la bande dessinée en fin du XIXeme siècle, vers 1895 (on repassera pour la grossière approximation, puisque Rodolphe Töpffer aurait plutôt créé cette nouvelle forme narrative en 1827) :

La bande dessinée serait là pour recréer un semblant de structure constituante chez l'enfant, en remplaçant symboliquement les rituels ancestraux qui disparaissent progressivement au XIXème siècle, car on estime "qu'ils ne sont plus nécessaire dans la société". Oui. Carrément. Il rajoute que la permanence des cases (oui là, on oublie carrément que des "pages peuvent en recouvrir d'autres"... donc pour la permanence on repassera), permettrait de continuellement se voir soi-même (ou un personnage-avatar par phénomène d'empathie ou d'identification, je suppose) dans toutes les cases et donc dans tous les temps, enfant, adolescent, adulte, afin de pouvoir se lire comme un seul être.

Je m'interroge.

- Cette permanence, on la retrouve plutôt au cinéma, qui lui aussi peut utiliser des fracture de temps sous forme d'ellipse. Pourquoi n'a-t-il pas totalement destitué la bande dessinée dans ce cas ? Pourquoi attribuer cette spécificité uniquement à la bande dessinée ?
- Et dans le roman, qui existait bien avant la bande dessinée (même le roman pour enfant) ? Aucune permanence ? Et avec ses paragraphes, ou mieux, ses chapitres ? N'est-ce pas aussi un moyen de "découper physiquement le temps" ?
- Si ces rites ancestraux ne sont plus considérés comme nécessaires, pourquoi trouver un intérêt à les proposer sous une autre forme ?
- Pourquoi considérer encore et toujours que la bande dessinée est fondamentalement destinée aux enfants, alors que les petites scènes imaginées par Topffer étaient des satires sociales et politiques, un peu à la manière de Molière, donc plutôt destinées à amuser les adultes.
Bref, tout celà me paraît légèrement tiré par les cheveux.

De plus, le dernier point me dérange tout particulièrement, car depuis plus de 30 ans maintenant, des auteurs s'évertuent à réaliser des contenus profonds et mâtures, bien loin de la représentation simpliste, enfantine et gentillette qui colle toujours à la bande dessinée.
Cette émission, bien qu'apportant son lot de réflexions intéressantes ou pertinentes, entretient cette image rétrograde. Ajoutons que les oeuvres abordées sont Tintin, Gaston et le Marsupilami (on parle également d'Astérix rapidement)... La représentation absolue de la lecture de jeunesse. Terrible. Alors effectivement on cite aussi Druillet par exemple, qui est tout sauf un auteur jeunesse -mais qui peut être relié à l'adolescence- et surtout on le cite ponctuellement, sans en parler réellement.
Pourtant, "en quoi la BD donne-t-elle à penser ?", quel titre prometteur ! Il y aurait tellement de choses à dire sur le médium, d’œuvres à citer, plutôt que de s'enfermer dans un discours, dans une vision étriquée qui l'étouffe ! Cette émission fait tout l'inverse de ce que le titre promettait, plutôt que de lui ouvrir les portes de la considération intellectuelle, elle renferme la bande dessinée dans son image habituelle, celle d'un sous produit culturel, peu propice à engendrer une forme de pensée dense et mâture.
Mais en regardant de plus prêt, un oeil averti aura pu repérer un indice dans le titre lui-même, avec ce "BD" ("la bédé"), cet acronyme renvoyant à lui seul à la dénomination enfantine de la bande dessinée...L'association d'idée était déjà là...

mercredi 21 novembre 2012

Retouches

Maintenant que je fais des chroniques BD sur Du9 et des chroniques ciné et science sur Krinein... Que reste-t-il pour ce blog ?
Et bien il va reprendre sa fonction initiale. Montrer mes travaux. Vu qu'ils n'avancent pas vite, vous ne serez pas débordé !
Pour le moment, voilà juste quelques photos (la plupart glanées sur le net) que j'ai retravaillées sur ordinateur pour leur donner un aspect plus graphique, presque de la peinture. Ca fait quelques années que j'ai découvert par un hasard d'utilisation cette technique, mais je ne l'ai jamais suffisamment travaillée. Voici quelques anciens essais:



et voici des nouvelles, moins réussies (il faut que je me remette en jambe)




lundi 6 août 2012

Séance ciné, aout 2012

Voilà bien longtemps que je n'ai pas posté ici. Mais avec l'arrivé de mon petit second en novembre, j'ai un peu délaissé ce blog. Je vous ai laissé avec une rapide chronique de Tintin, en octobre, voici un autre fleuron de l'animation américaine:

Rebelle


de Mark Andrews, Brenda Chapman et Steve Purcell (Pixar)

Superbement réalisé, avec Rebelle Pixar enterre tous les autres studio oeuvrant dans l'animation 3D sans aucun problème. Que ce soit d'un point de vue purement technique (point de vue décors surtout, où on frôle parfois le rendu ultra réaliste), que de la qualité de la mise en scène, de la direction artistique et de l'écriture (dans le sens où les personnages, et leurs personnalités sont véritablement soignés).
Pourtant, le film n'atteind pas le même niveau que les meilleurs films de la firme, faute à son hésitation entre ton plus mature et histoire simpliste au possible. Sans parler de sa morale, qui n'apporte rien de neuf, puisqu'elle est exactement la même que celle du Monde de Némo (le parent trop dirigiste pousse l'enfant vers la désobéissance, ce qui entraine des conséquences désastreuses...)
Un peu trop le cul entre deux chaises, en voulant séduire tous les publics, le film ne convainc qu'à moitié, n'aboutissant finalement que dans son visuel et sa narration, aux petits oignons. Ce choix scénaristique est particulièrement décevant, car tout semblait avoir été fait pour atteindre un public un peu plus mature qu'à l'accoutumé. Même l'humour, pourtant omniprésent, se fait ici plus subtil et moins gaguesque qu'à l'accoutumé, comme pour faire oublier le côté "pour enfant". Alors, pourquoi un scénario aussi classique, aussi peu surprenant, aussi "gentillet", alors qu'on pouvait s'attendre à ce que le comportement de l'héroïne Mérida ai des conséquences bien plus désastreuses que cette simple métamorphose (ceux qui ont vu le film comprendront) ? Certes, le discours est là de tenter de créer des retrouvailles entre Mérida et sa mère, dont les relations se sont faites de plus en plus tendues avec le temps. Mais ces scènes là, justement, manquent cruellement d'originalité et d'émotion, masquant avec peine ce qu'aurait pu être le film s'il avait prit une autre direction scénaristique, plus tournée vers l'aventure.

Une petite déception, donc. Certainement un futur classique de l'héroic fantasy pour enfant (certainement le meilleur exemple du genre à ce jour), mais qui pour des adultes plus exigeant, manque quand même pas mal d'ambition.

dimanche 30 octobre 2011

Séance ciné oct 2011 (suite)

Tintin
de Steven Spielberg
D'après la Bande Dessinée d'Hergé


Cette séance ciné à été pour moi à la limite du supportable.

J'y ai trouvé toutes les qualités et tous les défauts des deux Steven. Moffat et Spielberg: Ils sont malins, certes, et un grand savoir faire, ok.
Mais ont une facheuse tendance à créer du rythme en enchainant moments forts sur moments forts. Aucune pause, aucune respiration, ou trop infime pour réellement marquer le coup. Les enjeux non plus n'évoluent que trop peu tout au long du film, ce qui fait qu'au final on se retrouve avec un film sans climax, donc finalement assez plat malgré tout ses rebondissements, où les moments forts se noient les uns aux autres, et où le spectateur est ettouffé. Du coup, l'ennui s'installe vite quand les séquences sont plus tournées vers le spectaculaire que vers la narration.
Ce sont les mêmes défauts que je trouve aux épisodes de Moffat depuis les saisons 5 et 6 de Dr Who, et à Spielberg dans ses films d'action depuis Jurassic Park 2.
Néanmoins, je préfère assez nettement la partie du scénario écrite par Moffat que par Wright et Cornish. Moins dans la surenchère et plus malicieuse.

Je ne vais pas me faire des amis auprès des fans de Tintin (ni de Spielberg d'ailleurs), mais cette façon de tout tourner autour de l'action semble un moyen de masquer le manque d'originalité du scénario original. C'est vrai, Tintin ne brille pas par la qualité de ses scénarii. Au mieux, on y trouve de l'imagerie fascinante (les pirates, les cultures étrangères, les extra terrestres, le mythes traditionnels...), des personnages truculents, un humour parfaitement amené... Mais guère plus. Peu de surprise, peu d'orinalité, surtout avec le recul de notre époque et tout ce qui a été fait depuis. Du coup, pour accrocher le spectateur, on enchaine les rebondissements et scènes d'actions. Car passé la découverte du message dans le mat de la maquette du bateau, scénaristiquement, il n'y a plus grand chose d'interessant avouons-le... Un peu facile tout ça...

Sinon, pour ce qui est de la technique, elle est énorme, c'est vrai. Mais loin d'être irréprochable. Au delà du fait qu'on peut encore et toujours se poser la question de l'intérêt de faire un film d'animation tout en utilisant des acteurs et en ayant un style graphique aussi proche du photo-réalisme, les "chocs" (un personnage qui rentre dans un mur par ex) sont toujours un peu "flottants", et les expressions des visages par moment un peu raides (surtout pour le personnage du méchant). A mon avis quelques années de plus auraient été nécéssaire pour atteindre la perfection, pour l'instant c'est le top, mais pas parfait. On peut donc se questionner sur la pertinence de réaliser aujourd'hui un film d'animation quand on sait la technique encore limité pour les ambitions que l'on a. Ajoutons que le style choisi me laisse perplexe. Du photo-réalisme teinté d'un style plus proche de la BD d'Hergé, avec gros nez et tout et tout... Pourquoi avoir le cul entre deux chaises? Pourquoi prendre le risque de perturber le spectateur? C'est certes ambitieux et plutôt bien fait au final, mais les raisons esthétiques de ce choix me semblent plus mégalo qu'artistique. Pour moi, soit on fait un film live, soit on fait un film d'animation, je ne comprend pas tellement l'intérêt d'un mélange batard. Mis à part celle de la démonstation technique. A la limite, pour une adaptation d'un BD franco Belge, on peux se dire que c'est une façon de se rapprocher de la BD tout en conservant la qualité d'un jeu et des émotions des acteurs... Mais dans ce cas, on peux faire de la motion capture intégré à un style graphique plus proche de la BD, ça serait plus respecter l'oeuvre originelle... On dirait que Spielberg n'a pas réussit à se détacher d'une vision réaliste de l'image. Il n'a pas voulu assumer le choix de la BD ou du film live, et à préféré trouver une terrain d'entente. Un choix par défaut, donc, plutot qu'une réelle volonté initiale.

Revenons au film lui-même pour finir. L'intérêt du tout numérique est aussi les possibilités de mise en scène. Et là Spielberg à voulu les exploiter à fond: une liberté totale du mouvement de caméra, des plans séquences dantesques, des ellipses originales... On sent qu'il s'est bien amusé, mais bon nous on s'amuse moins parfois, surtout quand la dynamique patit d'une volonté de mise en scène douteuse, comme dans cette scène finale de course poursuite en side-car où la caméra précède la moto et filme de côté en plan général et en travelling et à la même vitesse, ce qui fait que ça annihile totalement l'impression de vitesse. C'est mou. Naze pour une scène d'action, heureusement ça ne dure que quelques secondes... Les possibilité de la mise en scène numériques sont souvent assez bien exploité néanmoins, même si trop de mouvements me fatigue un peu, mais ça doit être parce que je suis un vieu con aigri.

La seule chose que j'ai trouvé vraiment réussit est la relation Haddock/Tintin,. Ils se complètent mutuellement, et la complicité est là. Le duo fonctionne bien, et Haddock apparaît comme plus qu'un simple faire valoir. Cette relation soulage aussi des début laborieux où Tintin soliloquait sans cesse pour montrer le fond de sa pensé (enfin bon, il faisait comme s'il parlait à Milou, c'est c'est pas très fin tout ça, comme si on ne pouvait pas suggérer ce qu'il lui passe par la tête, non faut le dire tout haut les spectateurs sont bêtes.). Avec Haddock, les explications des déductions de Tintin se font plus cohérentes, puisqu'il s'adresse à Haddock en même temps qu'au spectateur.

Voilà un avis un peu décousu, mais qui résume assez bien le sentiment un peu fouillit que j'ai eu en sortant de la salle...

jeudi 20 octobre 2011

Séance ciné oct 2011

Drive
de Nicolas Winding Refn



Oubliez tous les autres films de voiture. Oubliez-les bien car Drive n'en est pas un. Inutile de tenter de les comparer. Prenez plutôt un soupçon de Pusher pour l'aspect mafieux, un peu de Bronson pour les fulgurances violentes, et une bonne dose de Valhalla rising pour l'ambiance hypnotique. Ces trois références tombent bien: ces films sont tous signé Nicolas Winding Refn, le réalisateur de Drive. On pourrait presque dire qu'il signe là un aboutissement de toutes ses obsessions précédentes, car on ne peut véritablement pas parler ici de redite. Chacun de ses films était très différent et avait comme seul point commun une violence parfaitement retranscrite et une science de la narration et des atmosphères hors normes. Jamais de totales réussites pour moi, mais tous intéressant. Drive, c'est pareil. Le film est loin (mais alors très loin) d'égaler les plus grands films noir ou films mafieux tellement son scénario est fade et sans saveur. Une pur produit de studio, avec des personnages creux, une relation amoureuse insipide (et pourtant au centre du film), et un thème qui tourne autour de la bagnole et qui laisse présager pour les studios des tas de courses poursuites effrénées qui durent des plombent (c'est pour ça qu'il ne faut pas trop détailler les personnages, vous comprenez, ça prendrait trop de place dans le film, mieux vaut les courses poursuites, c'est plus vendeur...).
Bref, vous l'aurez compris, Drive est un film de commande.
Mais Nicolas Winding Refn livre un film qui va au-delà de ce qu'aurait réalisé un quelconque artisan de studio: Une vrai leçon de cinéma, ou "comment transcender un scénario insigifiant".
C'est un cinéaste virtuose, certes, cela est établit depuis quelques films, mais c'est surtout un des rares réalisateur actuel à être capable de rendre compte d'une véritable intensité. Ca faisait longtemps que je n'avais pas vécu au cinéma (en salle) autant d'émotions fortes. Une atmosphère constamment tendue, avec quelques fulgurances sensationnelles.
Le réalisateur compense la banalité du scénario par un choix d'acteur judicieux, qui incarne une profondeur rien que par leur présence à l'écran, Ryan Goslin en tête, impressionnant de finesse et d'assurance. Il préfère également leur conférer un mystère plutôt qu'un bagout inutile et fastidieux. Il se donne du mal à masquer les faiblesses d'une histoire trop convenu et de relations entre personnages si peu écrites. Et il faut dire qu'il y parvient. A moitié. Les miracles ça n'existe pas, mais il faut lui concéder qu'il n'a fait que de bon choix dans sa direction artistique. A mon sens, on ne pouvait guère faire mieux.
Ajoutons que les scènes de conduite, finalement rares (on en compte 2) et relativement courtes (la plus longue est celle d'intro et ne doit pas dépasser 5 minutes), sont d'une intensité incroyable. Jamais je crois que n'ai été autant saisi par de telles scènes, qui m'apparaissaient auparavant comme relativement sans intérêt, même les scènes de courses poursuites dans les films d'action... Je m'aperçois là, qu'avec du talent et un sens de la narration hors norme on peut vraiment tout faire.
Et puis cette ambiance! Tout simplement unique, une sorte de langueur hypnotique, qui parvient à faire passer même les passages les plus cuculs hollywoodiens, tellement le film à un ton inhabituel.
Je ne parviens pas à totalement être convaincu à cause de ce manque d'originalité, et un aspect 80's assumé avec lequel j'ai un peu de mal personnellement, mais décidemment Refn est un réalisateur à suivre, et son prix de la mise en scène à Canne n'est très certainement pas usurpé!

mardi 9 août 2011

Séance DVD août (1)


Kaboom
de Gregg Araki


Gregg Araki réunit ici tout l'imagerie ado contemporaine, comme il avait su le faire dans les années 80-90 avec sa "teen trilogie": Rêves mystérieux, drogue, sexe débridé, couleurs flashouilles, dialogues drôles et décomplexés, complot machiavélique et méchants à l'aspect cauchemardesques. Un petit cocktail détonnant si on sait bien le mélanger dans le shaker adéquat. Et Araki serait un bon barman, sans aucun doute. Un bon cinéaste c'est une autre histoire, mais on ne peut nier le réel talent qu'il a à créer un univers cohérents avec toutes ces influences. Bien sûr, on pourrait lui reprocher de ne rien créer de lui même et de seulement s'inspirer de la culture pop-ado. Mais comme Richard Kelly, il sait plutôt bien s'y prendre, car il n'est pas dans la copie, mais plus dans le clin d'oeil. D'ailleurs, les "méchants", humains surmonté d'une énorme tête d'animal en peluche, ne sont pas sans rappeler le Lapin de Donnie Darko (ou les joueurs du manga Doubt), mais ne sont pas du tout "utilisés" de la même façon. C'est juste l'imagerie qui est similaire, pas le concept. Et c'est par cette imagerie que le film fonctionne, et grâce à ses dialogues amusant, servis par des acteurs au charisme indéniable. La mise en scène n'est peut-être pas au niveau des ambitions du film d'ailleurs, mais Araki s'en sort en créant des situations tantôt cocasses, tantôt intrigantes, tantôt angoissantes, recréant ainsi l'atmosphère type des films cultes adolescents, à la Scream. Mais Kaboom frôle tous ces éléments sans jamais les aborder frontalement, ce qui permet de ne pas tomber dans la redite, mais empêche par la même occasion de les sublimer. Du coup, le film semble avoir des difficultés à se hisser au niveau culte de ces prédécesseurs dans le genre, n'en ayant pas la même "force". Pourtant, les bonnes choses sont là, et le film se suit avec intérêt jusqu'à cette conclusion, tellement simpliste et assumée au second degré qu'on peut penser qu'Araki est parvenu à réaliser le film ado contemporain ultime. Et ce, par son rejet de la profondeur: tout est superficiel, des personnages aux couleurs, en passant par cette prédominance de l'imagerie teen qui place de film dans un idéal cosmétique et donc de futilité assumé. Cette fin nonchalante plante le clou de la superficialité, prônant ouvertement l'absence de finalité à tout ce qui à pu être mit en place tout le long du film.
En gros, c'est fun, le reste on s'en fout.


Les chèvres du pentagone
De Grant Heslov

Etrange film que voilà, que rien ne pourrait laisser penser qu'il s'agit là d'une histoire tirée de faits réels... Et pourtant... Comme quoi la réalité dépasse parfois la fiction!
L'histoire conte comment un journaliste (interprété par Ewan McGregor) prend connaissance un peu par hasard de l'existence d'une section de l'armée américaine visant à former des Super-soldats dotés de pouvoirs paranormaux. Le film débute d'ailleurs sur une scène mémorable où un gradé regarde fixement un mur, grandement concentré, se lève brusquement et s'élance, déterminé à le traverser. On devine comment celà se termine: avec un beau mal de crâne. En celà, cette introduction est exemplaire et donne le ton qui perdurera tout le long du métrage, à la fois absurde, sarcastique, où premier et second degrés s'entremêlent.
Au final, si l'ont excepte quelques scènes d'anthologie (Clooney qui tente de "déchirer les nuages avec le regard" tout en conduisant, par ex), et quelques idées bien poilantes (appeler ces super soldats des Jedis...), le film tourne un peu en rond et peine à trouver de véritables enjeux narratifs. On se croirait dans un trip délirant dont on ne sais jamais où celui-ci va nous conduire. D'ailleurs, tout se termine dans une scène complètement hallucinée d'une armée sous acide, assez ratée d'ailleurs (le réalisateur ne parvenant pas à transmettre la sensation de trip hallucinogène, filmant platement, on à du mal à y croire).
Néanmoins, ce qui fait tenir jusqu'au bout du visionnage c'est ce mélange flou entre fiction et réalité. Certaines scènes sont d'une absurdité qui défie l'entendement, et penser que ce délire complet a en fait une part de réalité plus grande qu'on n'oserai l'imaginer provoque un sentiment de fascination particulièrement attrayant. Etrange sensation que de regarder ce film, constamment balloté entre divers sentiments, plus contradictoires les uns que les autres. Une curiosité à regarder tellement celà parait incroyable, et pour le jeu d'acteur: Clooney y est merveilleux par sa volonté d'y croire et par le sentiment de détresse qu'il transmet subtilement, de diverses manières, tout le long du film.


Achille et la tortue
De Takeshi Kitano


Encore une comédie de Kitano, comme si depuis Doll's -film profondément mélancolique et dramatique- il avait besoin d'un long break de blagounettes pour sortir de la dépression. Il y avait bien Zatoïchi, mais souvenez-vous de cette fin, étrangement festive, qui avec le recul semblait annoncer cette volonté de revenir à quelque chose de plus enjoué.
Bien plus sage que Takeshi's, cet Achille et la tortue nous rappelle les Kitano à l'ancienne, à la mise en scène subtile, plus posé et plus théatral également dans sa construction avec ses enchainements de scènettes. D'ailleurs l'affiche du film nous présente Kitano et Hanako Higushi de telle sorte qu'on pourrait croire en une représentation théatrale, ou mieux celle d'un duo comique comme dans Kids return. Et c'est un peu ça. Le film enchaine les sketchs tous liés par un fil rouge : la quête de la réussite artistique de Machisu, qui vouera sa vie -et celle de son épouse- à sa passion dévorante. On est constamment entre la caricature du milieu artistique, le pathétique de cet artiste incapable d'atteindre ses propres ambitions, les scènes de créativité débridées plutôt loufoques, humour potache, humour noir, chronique familiale, le tout teinté d'un sentiment de tristesse retenu qui donne au film son caractère tout à fait Kitanien. Ou Kitanesque, si vous préférez. Ajoutons un travail plastique sur l'image particulièrement réussit, les cadrages, les couleurs sont à la fois beaux et poétiques. On obtient un vrai bon film, comme seul Kitano sait les faire. Ce n'est certes pas son plus grand film, loin de là, mais c'est avec plaisir que je retrouve ce réalisateur qui c'était un peu perdu, cherchant vainement à se renouveler, et qui parvient là à revenir à ses propres codes sans pour autant se répéter totalement. Une sorte de renaissance. Du coup, il faut que je matte Outrage, voir si cette renaissance est aussi palpable dans le domaine du film de yakusa...

mardi 26 juillet 2011

Séance cinéma de juillet

Harry potter et les reliques de la mort, partie 1 et 2
de David Yates


Le film le plus attendu de l'année et peut-être même de la décennie. Pas pour moi en tout cas, surtout à la vue des précédents films tous plus décevants les uns que les autres.
Alfonso Cuaron et David Yates sont les deux seuls réalisateurs ayant bossés sur cette série qui remontent un peu le niveau, car ce sont les seuls qui ont eu une vraie "vision" de l'oeuvre. Bien entendu, cette vision est toujours entachée par celle de la production, qui veut rendre l'oeuvre toujours plus accessible, toujours plus simple, toujours plus fade finalement. Ce qui avait posé quelques problèmes au film d'Alfonso Cuaron, Le prisonnier d'Azkaban, terni par quelques graves coupes et par une fluidité narrative douteuse (alors qu'il suffit de voir n'importe quelle autre film de Cuaron pour être convaincu que s'il y a bien quelque chose qu'on ne peut pas lui reprocher c'est d'avoir une narration d'une fluidité exemplaire).
David Yates, depuis qu'il est aux manoeuvres, s'évertue à rendre l'ambiance plus réaliste et garder une cohérence rythmique et narrative tout au long de ses films. Chose qui n'avait jamais été le cas auparavant. L'ambiance de plus en plus sombre des précédents opus, si elle était flagrante d'un point de vue purement visuel, pêchait par une approche trop "féérique" (jouant avec l'émerveillement que provoque la magie) et une réalisation trop axées sur les péripéties, ce qui au final empêchait la mise en place d'une véritable atmosphère angoissante, pesante, et réellement sombre... En cela Yates a apporté une vraie vision cinématographique, puisqu'en rendant ses films plus réaliste, il donne au récit un aspect tout à coup moins enchanté et donc bien plus terrible.
Restait le problème des coupes phénoménales, point noir absolu de tous les films de la série, et dont chacun à sa sortie à connu des remontrances plus ou moins virulente de la part des fans en furie. Il faut dire que les roman de J.K Rowling sont si denses qu'il devient quasiment impossible de réaliser des coupes sans oblitérer tout ce qui fait le sel de ses romans à savoir la qualité des intrigues (écrits comme des polars aux indices distribués au comptes goutte) et des relations entre les personnages (d'une finesse et d'un réalisme rare dans le genre du roman fantastique jeunesse).
Depuis au moins le 3eme volet de la saga, il paraissait évident aux fans qu'il serait indispensable de couper les films en deux. Ou de rallonger leur durée (de déjà plus de 2h chacun!). Ce qui était impensable pour les producteurs et distributeurs des films à l'époque. Bien dommage, quand on voit le résultat: des films rythmiquement irréguliers, qui manquent de fluidité, ou tout s'enchaine trop vite, où les personnages sont trop peu développés et où certains détails essentiels à la cohérence de l'intrigue sont laissés de côté...
L'arrivée de David Yates sur L'ordre du phoenix à permit non seulement d'accentuer l'atmosphère pesante qui s'accorde à l'évolution de l'oeuvre littéraire, mais aussi de trouver en lui le seul homme capable de faire des coupes cohérentes, qui, si elles sont parfois décevantes (certains passages parmis les plus intéressant de la saga sur la jeunesse de Voldemort dans le prince de sang mêlé on été "oubliées") permettent au film de garder une cohérence et une telle fluidité qu'on peut dire qu'il est le premier réalisateur de la série à réellement faire des films qui ressemblent à des films!
Il est également le seul à avoir pu faire plier producteurs et distributeurs en leur faisant comprendre qu'ils avaient tout à gagner en sortant deux films pour le prix d'un (mais d'un gros budget, certes).
Le choix de couper ce dernier épisode s'avérait donc à priori judicieux, autant du point de vue des spectateurs, qui devraient se retrouver face à une adaptation plus cohérentes et complète qu'elle n'a jamais été, que du point de vue des financiers, qui rentreront 2 fois plus d'argent. Le problème est qu'au final, cette affaire ressemble plus à une affaire de gros sous que de soucis artistique. En effet, les reliques de la mort est très certainement l'épisode de la saga le plus facile à élaguer ! Et on s'en rend vite compte en regardant la première partie du film, franchement mollassonne et creuse à souhait. Elle pourrait être résumée de façon très simple, sans aller jusqu'à la version volontairement satirique du blog d'un odieux connard, que voici:
"Résumé des épisodes précédents : Voldemort le vilain sorcier essaie de tuer Harry Potter depuis 7 films [...]. Las, le gentil héros a décidé de partir se changer les idées en faisant du camping avec ses amis Ron et Hermione. Mais c’était sans compter sur les méchants qui se décident à pourrir leurs vacances…".
En bref, les héros doivent rechercher les fameux Horcruxes dont ont apprend l'existence à la fin de l'épisode précédent. Le problème est qu'il ne savent pas où chercher ! On a donc une série de scènes de déambulations ou de questionnement statique, prétexte à développer certains aspects de la personnalité des personnages... Enfin, surtout prétexte à rallonger à mort... Ce problème d'inconsistance du premier film est essentiellement dut au livre, dans lequel, il est vrai, il ne se passe pas grand chose durant une bonne première moitié. On n'a plus le côté enquête qui faisait le charme -et donnait le rythme- des précédents opus, l'aspect aventure est relégué au second plan, reste les personnages, qui avouons-le tournent un peu en rond depuis quelques épisodes... D'où, pour moi, la sensation que ce dernier volume de la saga aurait put plus facilement être tronqué que les précédents...
D'aucun rugiront en me rappelant que cette première partie contient son lot de séquences "d'aventure". Oui, c'est vrai, comme la scène d'introduction ou celle du ministère de la magie, mais elles semblent plus être là pour relancer un peu la dynamique du récit qui pâtit grandement d'un manque de rythme évident. Elle ne suffisent pas à elles-seules à compenser le manque d'intérêt de la quasi totalité du film.

Venons-en à la 2ème partie, sortie ce mois de juillet 2011... Et bien, elle rattrape le coup. Non pas que le film soit merveilleux en soit, mais déjà, on ne peux nier qu'il s'y passe des choses ! On ne s'ennuie pas, les péripéties s'enchainent à un bon rythme, et le film parvient même à rendre prenant l'immense scène de bataille de la fin, alors que dans le livre un sentiment de confusion régnait, le lecteur survolait la scène plutôt que de la vivre (alors qu'habituellement Harry Potter est une série très immersive). Là, David Yates n'a jamais oublié de raconter, là où Gore Verbinsky (avec Pirates des caraïbes 3) et Peter Jackson (avec le 3eme volet du Seigneur des anneaux: Le retour du roi ) se sont plantés en exposant de grandes batailles sans intérêt parce que sans histoire. Pourtant, Steven Spielberg avait montré l'exemple il y a déjà 30 ans avec les Indiana Jones, et même le (lamentable) dernier volet savait raconter les scènes d'actions de façon à ne pas endormir le spectateur... David Yates, sans aller jusqu'à l'inventivité des meilleures scènes d'actions de tous les temps, parvient donc à maintenir l'intérêt, en maintenant les enjeux à l'écran, sans les diluer sous une masse d'informations annexes. Il parvient même à faire passer des sensations, choses nouvelles dans un Harry Potter au cinéma ! Il crée une atmosphère de désespoir et d'épuisement qui n'est certes pas originale, mais qui fonctionne ! Enfin une émotion non surfaite dans la série, choses sur laquelle tous les autres réalisateurs (lui y compris) s'étaient plantés jusqu'à présent, échouant lamentablement à retranscrire les sensations éprouvantes que le lecteur des romans peut ressentir par moment.
Notons néanmoins que le film n'est pas exempt de gros défauts, mais pour sa défense, la plupart étaient déjà dans le livre. Quelques scènes ou révélations bien tirés par les cheveux ternissent le tableau, mais globalement le film remplit son contrat de divertissement, et je dois avouer que pour la première fois depuis le début de la série au cinéma, j'ai passé un bon moment.
Notons aussi que si cette 2ème partie est tout aussi fidèle que la première, elle parvient en plus à rester d'une grande cohérence avec la série cinématographique (la présence des elfes de maison de Poudlard dans le combat final aurait été incohérente puisque les films n'ont jamais expliqués qu'une bonne centaine vivait dans les sous-sols du chateau préparant la popote pour les élèves), et à faire des choix judicieux (Harry brisant la baguette).
Sans parler de franche réussite, le film remonte -un peu- le niveau d'une série qui sur le papier avait toute les chances d'être une bonne série de divertissement et qui au final est plutôt inégale, voire très mauvaise...

Le choix d'allonger la durée du film et de le diviser en deux à été partiellement payante, mais c'est surtout dut à la configuration du roman. Néanmoins, il porte ses fruit sur la deuxième partie, la plus riche et variée. Mais ce choix aurait dut être celui des producteurs depuis bien longtemps, et c'est regrétable qu'il n'arrive que maintenant celà aurait pu éviter de gâcher le réel potentiel filmique de l'une des séries de roman d'aventure la plus enthousiasmante de ces dernières années...